Ne plus être et renaitre – Retour sur une méditation profonde
Méditer ? La grande question.
Pourquoi et surtout comment ?
Reprenons…
Parlons de sport par exemple.
Pourquoi et surtout comment ?
Pourquoi ? Pour brûler des calories, renforcer nos os et notre mental, redresser notre posture, brûler nos graisses, développer nos muscles, tonifier notre coeur, affermir notre volonté, rencontrer des gens qui ont les mêmes buts.
Comment ? Est-ce vraiment la question ? Commençons par marcher, courir, sauter, soulever, pédaler, tirer, pousser, frapper, étirer. Quelle que soit la discipline, quel que soit le matériel, on en revient à ça.
Alors pourquoi se poser tant de questions au sujet de la méditation ? Est-ce par souci d’efficacité ou pour mieux la mettre à distance ?
Moi, mon opinion a été vite faite. J’ai lu 4 livres sur la méditation et je me suis vite aperçu que chaque minute passée à lire sur la méditation était une minute à ne pas méditer. Et je m’y suis mis.
Chaque jour.
La question n’est pas pourquoi ? Ni comment ? Elle est : qu’est ce qui m’empêche d’aller y faire un tour ? Alors j’y suis allé.
Mais avant cela.
Tapez dans Google : « combien de pensées par jour ? » Et voici un résumé des réponses : « nous produisons 60.000 pensées par jour. Ceci correspond à environ 1 pensée par seconde lorsque nous sommes éveillés ! »
Constat n°1 – 1 seconde c’est plus que ce qui est nécessaire pour l’écrire ou même la dire. Donc notre pensée va plus vite que notre cerveau conscient.
Constat n°2 – ne cherchez pas à les contrôler, c’est peine perdue.
Constat n°3 – Qui est cette voix qui vit « au-dessus » de mes pensées ? Nous y reviendrons.
Selon moi, méditer ne permet pas d’arrêter de penser, en tous cas ce n’est pas son objectif.
Si je vais au bout de ma pensée, et permettez moi d’aller direct à la conclusion, c’est mieux pour le suspens…
JE ne suis pas ce que je pense
Etrange non ?
.
Essayons de le voir différemment.
Notre cerveau est conçu pour produire de la pensée en continu, c’est sa fonction première, en tous cas celle qui nous est directement accessible.
Méditer permet de « prendre de la hauteur ».
On entend souvent cette phrase selon laquelle il faut « faire le vide en soi ». Mon expérience est toute différente. C’est comme si au contraire, elle permettait de donner toute sa place au « plein » qui est en moi. Je définis ce plein comme mon moi profond, comme le guide inconscient qui me dit où aller, quoi faire, en toute sécurité. Oui, cette voix qui vit « au-dessus » de nos pensées.
Ah ben oui, j’oubliais, l’inconscient. Cette part inconnue de notre psyché qui est le vrai moteur invisible de nos pensées. Il est à la source de la plupart de nos choix et de nos décisions et nous n’y avons pas accès.
Encore plus étrange. Encore plus fascinant.
Fort de ce constat, je suis allé voir du côté de mon cerveau et je me suis posé, assis, en tailleur et sur un zafu, parce que j’aime bien sa belle couleur orange.
Ne plus penser, la belle affaire ! Et pourquoi ne plus respirer tant qu’on y est. Quoique… On y reviendra et c’est aussi l’objet de cet article. Au sport, on échoue sans cesse. Notre corps nous pose des limites qu’on ne cesse de vouloir repousser. C’est ce que ma coach appelle « aller à l’échec musculaire ». C’est normal et ça fait partie du processus d’apprentissage et de progression. En méditation, c’est exactement le même process, qui m’a emmené sans cesse à « l’échec cérébral ». Je me pose, je souffle, je ferme les yeux, je laisse venir la paix en moi, je me concentre sur ma respiration et… je repense à mon rendez-vous chez le dentiste, je dois noter cette idée, j’ai oublié d’envoyer la facture à mon client, je…
Je me pose, je souffle, je ferme les yeux, je laisse venir la paix en moi, je me concentre sur ma respiration et… qu’est ce que je vais faire ce weekend ? Ai-je bien fait d’inviter cette jeune femme à prendre un verre demain ? Quel vin vais-je apporter au dîner de mon ami Fred ?
Grrrrrrrr
Je me pose, je souffle, je ferme les yeux, je laisse venir la paix en moi, je me concentre sur ma respiration et… vous connaissez la rengaine.
C’est aussi ça la méditation, surtout pour les débutants.
.
Mais qu’est ce qui se joue en coulisses ?
Quelque chose de plus grand…
La méditation permet de retrouver un temps pour soi, à vous, avec soi. C’est un petit coin de paradis, un havre de liberté où tout est permis. Moi ça m’a permis d’en finir avec ce sentiment de « ne plus m’appartenir ». Ces quelques minutes chaque matin sont devenues un rituel, une maison intérieure que je décore à ma guise, sans limite.
Ces dix minutes sont devenues douze, puis quinze, puis vingt, puis trente.
Au bout d’un mois de pratique, je sentais que l’heure qui suivait m’appartenait aussi, que j’en étais le maître, que cette poussée de conscience née de la méditation se prolongeait au-delà de la séance.
Après quelques semaines de pratique, une réaction me surprit, au lieu de m’agacer d’un détail anodin, je souris. Le sourire était revenu, la vie était revenue. Le calme et la joie avaient fait leur retour, sans que j’y pense, sans forcer. C’est la magie de la méditation.
Au bout de quelques mois, je m’étais réapproprié toute ma journée. Je redevenais enfin le capitaine de mon navire, je décidai avec plus de calme et de lucidité.
Jusqu’au jour où… bien des années plus tard.
Après plusieurs centaines d’heures de pratique.
Seul chez moi, un dimanche soir, le silence est presque total, ce silence qui vous fait entendre le vent et le chant des oiseaux. Je suis en pleine méditation, depuis plusieurs heures, entrecoupées de réveil et de prises de conscience.
J’inspire…
J’expire…
J’inspire…
J’expire…
Et là, sans savoir pourquoi, sans même y penser, sans l’avoir décidé, j’arrête de respirer. Longuement. Très longuement.
Le plus fou, je ne me suis pas arrêté de respirer sur l’inspiration, les poumons pleins, comme on le fait en apnée et en plongée. Non, je me suis arrêté sur l’expiration, les poumons vides. À court d’oxygène. Cela a duré tellement longtemps que j’ai eu peur, peur de manquer d’oxygène, alors que tout allait bien en moi.
J’inspire.
J’expire.
STOP.
Une minute passe, ou plus.
J’inspire.
J’expire.
STOP
Le temps passe, ou plutôt s’arrête.
Tout s’arrête.
Ma respiration.
Mes pensées.
Mon ego se fond dans un océan de paix. C’est le vide et c’est le plein en même temps. Comme une fusion dans l’univers.
Le manque d’oxygène a tout éteint en moi : sensations, pensées, peurs, espoirs, croyances, désirs.
Tout sauf la conscience.
C’est devenu plus que cette voix qui vit « au-dessus » de mes pensées, c’est une présence immanente, ce que je suis réellement quand s’effacent mon mental et mon ego.
Je reprends une respiration et tout redevient normal.
Puis ma respiration s’arrête à nouveau.
Et je plonge à nouveau dans cet océan de conscience.
Certains diront d’inconscience !
Je découvre cette incroyable réalité :
n’être plus rien, c’est être tout.
Je suis dans un corps inerte et ma conscience s’élargit sans cesse. Je me dissous totalement dans une sorte d’éternité où je ne sens absolument plus rien.
Je suis dans une zone où je ne suis jamais allé auparavant.
Je grimpe sur le canapé. Je m’endors. Sentiment de complétude.
Le lendemain, la lueur du jour me tire d’un sommeil profond.
Je ressens une énergie incroyable, mon esprit est d’une grande clarté, tout semble simple, facile, accessible.
J’entrevois un bout de paradis, je ressens une paix que je n’ai jamais éprouvée.
Bientôt la vie reprend son cours, comme avant.
Je garde en tête ce bonheur parfait qui m’entête.
Ni tout à fait le même ni tout à fait un autre…
pour paraphraser Verlaine, dans Mon rêve familier
Oui, la vie ne sera plus jamais comme avant.
Je suis catapulté dans cette réalité : je ne suis pas ce que je pense. Je ne peux pas maîtriser mes pensées. Mais je peux maîtriser mes émotions…
Le bonheur est une ascèse.
Le bonheur est un chemin…
Ouaouw … toujours un plaisir immense de te lire, de se laisser embarquer dans ta bulle. Merci Denis. Beaucoup de ce que tu dis raisonne en moi. Nous avons chacun sa propre méthode pour méditer. Pour ma part j’ai mis 10 ans à comprendre, mais quand c’est arrivé, c’était comme une évidence! J’ai aussi appris à écouter mon corps et ne plus céder aux « il faut faire ci ou ça ». Je fais ce que j’ai envie de faire basta ! Et avec mon corps nous sommes contents, et c’est le plus important 🙂
Merci Nadia, c’est en effet un espace de liberté alors autant faire ce qu’on aime comme on aime…